Projet réalisé dans le cadre de mon cours "Arts de l'Espace" à l'Institut Saint-Luc aux mois de septembre et octobre 2008. Il s'agissait de réaliser un objet abstrait, regroupant différentes caractéristiques propres aux oeuvres de l'architecte étudié. Voici un résumé du dossier que j'ai réalisé pour l'occasion.
Concevoir l'Architecture
Le chaos urbain et la contextualité
Jean Nouvel conçoit et propose de concevoir la ville, le « chaos urbain » comme une nouvelle couche géologique : des éléments architecturaux, dont la liaison paraîtrait au premier abord improbable, s’étaient télescopés par hasard au fil des siècles. De cet amalgame, de cet agrégat était née une certaine poétique.
C’est dans le domaine de l’interaction de l’architecture avec l’environnement qu’est le respect de cette poésie son cheval de bataille : l’architecte doit, aujourd’hui plus que jamais, tenir compte de l’histoire. S’il se doit de présenter un regard nouveau sur la ville, il ne peut le faire toutefois en transformant totalement et sans scrupules le milieu, et par-là même en bouleversant les habitudes qui y étaient nées. Il n’est plus question désormais de procéder à un grand nettoyage urbain tel qu’il y en eut auparavant avec Haussmann ; désormais, l’architecture trouve sa subtilité dans la continuité.
« Si l’architecture est la pétrification d’un moment de culture, il faut chercher son avenir en dehors de sa propre histoire »
Comment comprendre cette citation ? Selon Jean Nouvel, l’architecture n’est pas une discipline autonome. Ainsi, l’architecture dépend autant des différentes formes d’art qui la côtoient et qu’elle intègre, que de concepts considérés comme à la fois étrangers et à la fois mêlés à l’art : l’urbain, le rural et l’Homme, surtout : l’Homme par l’Histoire et par son impact sur l’environnement, l’Homme par les mutations et par les influences. L’architecture doit être une réponse, un miroir sur le milieu. Qu’elle soit une insulte à son environnement ou un éloge, le but aujourd’hui est, aux yeux de l’architecte, de provoquer un impact sur le spectateur, de stimuler une interaction entre l’Homme, l’Histoire et l’Art afin de générer ou d’entretenir le débat.
Jean Nouvel propose d’ouvrir la réflexion sur la cité en relation avec l’autorité politique. Il souhaite pousser la France et même l’Europe à réfléchir sur une nouvelle façon dont la ville doit être reconstruite, ou au moins évoluer. Partir de l’analyse, car la ville que l’on imagine dans trente ans existe déjà à 70 % ; il y a toujours une mutation. Beaucoup de choses ont pris racine, beaucoup de liens se sont tissés : il faut travailler à partir de là.
« Plus une idée est générale, plus elle est creuse, ou alors c’est un lieu commun. Or nous sommes plutôt pour des lieux qui ne soient pas communs en architecture ! »
L’utopie est, selon Jean Nouvel, juste une lumière vers laquelle on va. Chaque fois qu’on a voulu être dans l’utopie, on a fait des bêtises. Mais nous construisons également pour le présent, puisqu’une grande partie de l’architecture se base sur ce qui est déjà là.
L’architecte est un kleptomane
L’architecte est un kleptomane, il pique tout, partout : dans la ville, dans la technique, dans les objets, et surtout dans l’art. L’avant-gardisme se fait par l’art, laboratoire de nos émotions, et non par l’architecture, ou alors très rarement. Même si, parfois, Jean Nouvel admet que l’on peut considérer que l’architecte est également un artiste, lorsqu’il se préoccupe un peu de la forme et des sensations qu’elle fait naître. Celui qui s’y intéresse est en relation avec son époque, car on ne vient pas de nulle part.
Cela s’est déjà confirmé depuis les origines, l’art est la source première, la matière génératrice de tout ce qui s’articule autour. L’art est avant tout l’application informelle, abstraite de nos désirs et de nos frustrations. L’architecture, elle, suit le mouvement en proposant une formulation simplement différente, mais une fin semblable.
Appréciation personnelle
Balayées, les vieilles idées
Les aprioris que j’avais à l’égard de Jean Nouvel se sont vus en peu de temps balayés d’un revers de la main. Car si je connaissais dans les grandes lignes les oeuvres significatives de sa carrière, je n’appréciais pas forcément la noirceur et l’agressivité de son travail : je ne m’attachais pas à connaître le pourquoi de ce travail ; seuls les aspects esthétiques appartenant aux goûts de chacun m’importaient.
Après maintes recherches et lecture de documents explicatifs, de documentaires audio, photo et vidéo et d’interviews, je peux en conclure que si d’un point de vue formellement esthétique, le travail de Jean Nouvel ne m’a pas forcément fasciné, car à mes yeux trop strict, je peux cependant aujourd’hui comprendre sa démarche et accepter que nombreux soient ceux qui lui donnent de la crédibilité. Malgré tout est-il vraiment nécessaire de devoir faire un choix : l’esthétisme ou la sagesse ? A mes yeux, ces deux concepts se doivent d’être mêlés, ils doivent se répondre et se compléter. Même s’il s’agit évidemment toujours d’une question de goûts.
Centre de culture et de congrès de Lucerne.
M’ont particulièrement plu, les aspects sociaux de l’architecture que Jean Nouvel propose de concevoir. Il a permis d’élargir le champ intellectuel propre à l’architecture en offrant de nouveaux concepts sur son évolution et son histoire. L’architecte ne s’occupe pas de l’Homme en particulier mais de groupes de populations et traduit plastiquement la situation de ceux-ci. Il rend compte d’une situation, et par la provocation, pousse au débat, veut faire changer.
M’a également plu son discours, bien que soient nombreux ceux qui s’élèvent à son encontre, sur l’importance du milieu et le respect des attachements liés aux lieux en voie d’être transformés. En effet, l’architecture d’aujourd’hui ne peut à mes yeux se concevoir sans prendre en compte tous les éléments sociaux, culturels, historiques et plastiques déjà en place. La brutalité des bâtiments qui démontrent un sentiment de non-appartenance à ces égards traduit la bêtise de leurs auteurs.
Salle des pas-perdus du Palais de Justice de Nantes.
Présentation du projet
Premiers jets d’idées
Jean Nouvel, nous l’avons constaté, travaille essentiellement le noir ; le noir mat, le noir brillant, le noir translucide, le noir associé au rouge ou au métal. La lumière, également ; qu’elle soit plongeante, projetée, reflétée, matte, aveuglante, tamisée, par transparence, ...
Ses formes se caractérisent généralement par une grande importance donnée à l’horizontalité et l’orthogonalité, et un équilibre certain entre les formes. Mais nous n’y retrouvons malgré tout jamais de parfaite symétrie.
Je devrai donc concevoir mon « objet » abstrait en tenant compte de ces principes fondamentaux qui caractérisent l’architecture de Jean Nouvel. Cependant, le projet se constituant plus d’une sculpture que d’une oeuvre architecturale, la verticalité est, à mon sens, plus adaptée à la fonction qui lui est propre : la verticalité donne une certaine monumentalité à l’objet, et plus d’élancement, d’ « élégance ».
Démarche
Par ce projet, j’ai tenté de synthétiser l’ensemble de la carrière de Jean Nouvel par des éléments représentatifs, qui se répètent sur différents projets. Jouer sur les différentes textures et sur la lumière aura été le fil conducteur tout au long de sa conception.
J’ai commencé par interpréter les différentes constructions de l’architecte, cibler les éléments importants et retranscrire tout cela par écrit, par des mots-clés. Il en est ressorti une importance du jeu sur la lumière et les surfaces mattes, brillantes, translucides, miroitantes, transparentes,… mais surtout le lien établi entre le bâtiment et le contexte historique, politique et géographique dans lequel il s’inscrit et le dialogue qui s’interpose entre ceux-ci.
Malheureusement, le contexte dans lequel s’inscrit le projet n’étant pas connu, il n’aura pas été possible de travailler ce point de vue, bien qu’essentiel dans le travail de Jean Nouvel. Auront donc été favorisés les seuls aspects purement plastiques.
Ainsi, j’ai commencé par rechercher une volumétrie englobant l’ensemble de la carrière de Jean Nouvel. Au départ, je favorisais un axe horizontal dominant, les deux cubes placés l’un à côté de l’autre, renforcé par un grand pan de couverture, rappelant le Centre de la Culture de Lucerne et le Palais de Justice de Nantes. Mais il fut rapidement abandonné au profit d’un axe vertical car à mes yeux plus approprié à sa fonction (il s’agit d’une sculpture, plus que d’un bâtiment).
Les deux cubes sont donc superposés, mis en relation par un volume plus discret, avec toujours la présence de ce grand pan sur le dessus. Les volumes sont traités en similitudes et contrastes : une même forme, mais dans des sens différents. Chaque cube est constitué de deux pans verticaux parallèles et planes, et de deux pans d’un côté en creux, de l’autre en positif.
L’une des façades en verre est prolongée sur toute la longueur de la « toiture ». Ceci atténue la monotonie que l’on aurait pu reprocher à un simple volume de base carrée où aucun des côtés ne se distingue des autres.
Il en ressort une volumétrie jouant sur la sobriété et l’orthogonalité, tout en conservant des points anguleux voire incisifs.
Ensuite, le travail a été axé sur les couleurs. J’ai choisi deux dominantes, une pour chacun des cubes, que l’on retrouve sur l’ensemble de la carrière de Jean Nouvel, par touches ou par pans de murs entiers : le rouge et le noir. Des couleurs tranchantes, qu’on ne peut utiliser sans une certaine réserve : des couleurs que l’on attribue le plus souvent à la violence et qui traduisent généralement une certain malaise. La couleur intermédiaire utilisée est le gris, appliquée au volume reliant les deux cubes et qui adoucit la transition entre ceux-ci. Ces couleurs sont appliquées différemment sur chacune des faces : parfois brillantes, parfois translucides, parfois mattes.
Le jeu sur les motifs et la lumière aura sans doute été le plus important. Chacun des côtés du projet joue sur différents effets. La « toiture » perforée produit à l’intérieur du cube un effet de moirages distillés très subtile. Ces perforations se retrouvent sur l’une des faces du cube noir, ce qui offre à l’intérieur du cube une lumière qui paraît travaillée par sérigraphie.
"Moucharabiehs" à l'Institut du Monde Arabe, Paris.
Certaines faces du projet sont translucides et colorées, en rouge pour le cube rouge, en bleu pour le cube noir. La lumière qui est produite à travers ces façades à l’intérieur des cubes produit une atmosphère assez malsaine. Les couleurs rouge et bleues pour les vitrages s’inspirent de la Torre Aqbar à Barcelone.
La paroi de verre contraste avec le cube noir entièrement fermé. Celle-ci s’est vue apposer un quadrillage rectangulaire - en rappel à la Fondation Cartier – et graver discrètement le nom de Jean Nouvel.
Fondation Cartier à Paris.
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